PARIS – LA ROQUETTE // non construit
Au seuil de la notion d’espace : l’expérience émotionnelle du vide, son importance physique, sensorielle, symbolique.
La constitution de l’espace comme une pièce intérieure publique à ciel ouvert.
“Architecturer l’espace de la ville au lieu d’assembler des objets architecturaux; le mot espace est galvaudé. Quelle réalité a t-il aujourd’hui, quand la logique techno-économique contraint toute l’architecture à n’être qu’une production d’objets, cellules, barres, tours, pyramides. La ville devient une succession d’unités architecturales séparées, autonomes, indifférentes au lieu, isomorphes : la forme leur est toujours dictée par un nécessaire interne et l’espace urbain; l’extérieur n’est qu’une forme seconde, le fond sur lequel se détachent les objets, un résidu que l’on tentera après coup d’“animer”. Univers des objets qui est celui du va-et-vient cyclique de la marchandise et de la prolifération des signes.
J’ai voulu, dans le projet de la Roquette, opérer un renversement, faire dominer l’effet de présence de l’espace. Il n’est plus compris comme support neutre à la consommation passive des signes mais comme “symbole”, forme sensible qui se représente elle-même.
J’ai voulu imaginer dans Paris un monument végétal qui soit un jardin ouvert à tous les usages, bordé de commerces, de cafés, de restaurants, de services publics, de logements.
Autour d’un parc public de cent mètres par cent cinquante, des commerces, des équipements de quartier et cent cinquante logements.
C’est une place sur laquelle l’herbe et les arbres auraient poussés : un vaste espace urbain envahi par la nature ou bien un morceau de nature enchâssé dans la ville. Le végétal va jusqu’au ras des bâtiments, remontant sur leurs façades. Il n’est pas “dessiné”; ce sont les bâtiments en le bordant, qui le dessinent, le recevant dans ses limites.
Ces bâtiments enveloppent l’espace central, lui donnant une forme. Ils établissent une scansion dans la longueur des 140 mètres qui est faite de piliers et de niches, de verres et de végétaux: la façade se dédouble, enveloppe vitrée des logements, paroi plane du parc.
Une galerie publique semi-couverte surplombe cette place-jardin sur ses quatre côtés comme un quai. Elle dessert les commerces, les escaliers d’accès aux logements, liant l’ensemble au quartier et au jardin dans une relation très claire dans sa forme et pleine de possibles dans son vécu.
Les niches créent entre le domaine public et le logement un espace intermédiaire qui préserve l’unité spatiale et le caractère public du jardin. Elles apportent la lumière en profondeur dans les logements en y ménageant des angles de visions obliques.”
Christian de Portzamparc, 1975.
PROGRAMME
150 logements, commerces, sur les terrains (libérés) de l’ancienne prison de la Roquette
CLIENT
Ville de Paris